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Channel: La Courneuve, Urbains sensibles » Bretagne
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Le regard des autres

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Bassa sur le bateau

Lors de notre séjour en Bretagne avec Nasreddinne et son petit groupe de filles des 4 000, il fut étonnant de faire du tourisme à leurs côtés. Car pour la première fois j'ai compris ou j'ai ressenti, devrais-je dire, ce que de nombreux jeunes de banlieue m'ont plusieurs fois raconté : le regard méfiant que l'on pose sur eux quand ils sortent du quartier.

Au départ, on remarque d'abord les yeux qui fixent, qui s'arrêtent, comme lorsqu'on ne peut s'empêcher de regarder celui qui a une balafre au visage ou un bec de lièvre. C'est vrai que les six filles étaient souvent le seul petit groupe de noires et de maghrébines au milieu de nombreux blancs. Faciles à remarquer donc. Et que Nasreddinne et Zara ont un petit accent de banlieue aisé à reconnaître. Soit. Mais j'ai été choquée de la méfiance qui pointait dans tous les regards. Sur le bateau menant à l'île aux Moines, un vieux monsieur au fort accent du Nord et une femme d'une quarantaine d'années les ont gardées à l'oeil pendant presque tout le trajet. Pourtant les filles étaient calmes, recroquevillées entre elles parce que frigorifiées par la bruine, lisant le petit livre sur les oiseaux qu'avait acheté Nasreddinne. Mais c'était comme si ceux-là attendaient la faute, le cri, le gros mot, l'impolitesse, qui confirmerait en une seconde tous leurs préjugés.

La veille, c'était sur la plage que les filles avaient été choquées de voir toutes les têtes se tourner vers elles lorsqu'elles sont arrivées pour se baigner. "Pourquoi tout le monde nous regarde ? a demandé Khadidja. "Ils n'ont pas l'habitude de voir des personnes noires ou originaires du Maghreb" a simplement répondu Nasreddinne. "Tant qu'il n'y a que des regards mauvais, ce n'est pas grave" nous dira-t-il plus tard.

Pas grave, peut-être. Mais moi qui suis visiblement moins habituée, cela m'a fait bizarre de voir combien ces petites filles pourtant bien aimables étaient a priori mal considérées. De voir que plusieurs fois dans la journée, insidieusement, il leur était transmis le message qu'elles n'étaient pas comme les autres, et qu'ici sur ce bateau ou sur cette plage, elles n'avaient pas vraiment leur place. Drôle de message de la société...

J'ai repensé aussi à Samira, qui disait qu'elle préférait rester chez elle parce qu'aux 4 000 on ne la regardait pas en biais. À Saïd, qui craignait que son C.V comportant son adresse à La Courneuve lui barre la route d'un stage. "On sera jamais des citoyens comme les autres" nous a dit Samira. En guise d'exemple, elle nous a raconté une anecdote survenue il y a quelques années.

"Un jour il manquait des sous dans la caisse ..."

A.L

 


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